lundi 27 février 2017

Lettre ouverte à Monsieur Castelain : les usagers de la métropole ne sont pas tous égaux devant le prix de l’eau

Lettre ouverte à
Monsieur Castelain, Président de Mel
Monsieur Detournay, Vice-président

Objet : les usagers de l’eau
de la métropole
 lilloise ne sont pas
tous égaux devant le prix de l’eau.


     
                                                                                                       



                                                                                                             Le 30/01/2017



Monsieur le Président, Monsieur le Vice-Président,

Vous aviez déclaré en début de mandat que les habitants de MEL verraient le prix de l’eau baisser. Or, s’il est vrai qu’en dessous d’une consommation de 130 m3 ce prix est moindre qu’avant, du fait de la baisse à 5€ de l’abonnement venant compenser l’augmentation du tarif de base du m3, il est faux de dire que cette baisse concerne l’ensemble des habitants de la métropole.

Les locataires de logements sociaux

Les locataires d’un logement tributaires de certains bailleurs sociaux, par exemple, voient leur facture augmenter dès lors qu’un prestataire intermédiaire est inséré dans la chaîne de distribution.
Auparavant, certains bailleurs profitaient d’un système leur permettant de se rémunérer en remplaçant l’abonnement par des « prestations de service » d’un montant équivalent ou supérieur. Ce système était quasiment invisible pour le locataire et cachait qu’un prestataire supplémentaire à rémunérer s’était inséré dans la chaîne de distribution. Cette situation venant du fait que l’abonné était le bailleur social et non l’usager final ; en effet, seul le bailleur social payait un abonnement à Mel.
Maintenant, du fait de la baisse de l’abonnement et de l’augmentation du tarif de base, ces bailleurs cherchent à compenser ce manque à gagner en augmentant le prix de l’eau. Le locataire peut légitimement s’indigner de ne pas bénéficier de la diminution d’abonnement votée par MEL.





Des usagers de seconde zone :     
                                                  
Avant Le locataire d’un logement payait sur la facture les taxes et redevances correspondant à sa consommation. Il payait de l’eau à 5,5% de TVA, et une autre eau à 10% de TVA. Rien n’indiquait dans la facture les différents services (production, distribution, assainissement…) liés à la qualité de l’eau. Il n’y avait aucune transparence, l’usager ne connaissait rien des taxes et redevances qu’il payait indirectement.
Aujourd’hui, suite à la demande des organisations de locataires, Villogia détaille ces différents services en donnant des chiffres que nous estimons fantaisistes : par exemple ; nous avons constaté pour la partie assainissement, par exemple, des chiffres dépassant largement le tarif demandé par MEL.
La baisse de l’abonnement pousse donc le bailleur social et son prestataire intermédiaire à faire payer leurs « services » en plus du tarif de base de Mel, entraînant ainsi au final une augmentation de la facture du locataire.
Au passage, ce système fait perdre à MEL tout ce qui concerne la partie abonnement, somme qui aurait pu être payée par chaque locataire, s’ils avaient été chacun abonné, c'est-à-dire l’utilisateur final.

Des évolutions inaccessibles aux locataires :

Cette situation révèle certaines autres difficultés. Comment, par exemple, un locataire peut-il bénéficier du tarif solidaire alors qu’il n’est pas abonné de MEL ? Cette situation révèle également d’autres questions comme celles liées à la baisse de l’abonnement pour les seuls autres usagers.
A la demande d’explication concernant la hausse de leur facture, il a été expliqué à certains locataires qu’en quelque sorte les locataires de bailleurs sociaux payaient la baisse de la facture de tous les autres usagers. Cette assertion, bien évidemment fausse, révèle le peu de considération quant à la compréhension de la situation qu’il sied d’avoir autour de la gestion d’un bien commun et de la vision solidaire défendue par MEL.






Un système opaque au détriment des usagers :

Pour notre part, nous estimons que certains cherchent à préserver leur marge au détriment des usagers finaux. Pour eux, l’eau reste une source de financement et de profits, coûte que coûte. Cette logique parasite la chaîne de distribution de l’eau et nuit à l’égalité des usagers de l’eau sur le territoire de la métropole. 

La solution : chaque foyer lillois doit être usager d’Iléo

Nous pensons que la solution à ce problème réside en la suppression de ces intermédiaires. Chaque foyer lillois devrait être usager de MEL, qu’il soit locataire ou non, et payer l’eau au même tarif. Au mieux, Iléo devrait desservir lui-même chaque foyer et assumer les coûts de relevé de compteurs.
Le pire serait de laisser la situation en l’état. Toute les solutions qui amèneraient à des arrangements ne laisseraient pas lisible l’existence d’un bien commun pour lequel chacun devrait se mobiliser pour sa préservation.
S’il n’est pas possible pour Iléo de relever les compteurs des locataires de ces bailleurs, une autre voie est possible : payer le prestataire intermédiaire pour le travail de relevé de compteurs d’eau froide qu’il effectuera pour le compte de MEL conjointement au travail de relevé de compteurs d’eau chaude qu’il effectue pour son propre compte. MEL devra fixer lui-même le prix de ce relevé. Ou alors, Iléo-MEL pourrait facturer les relevés de compteurs d’eau chaude qu’il effectuerait pour leur compte dans le cas où il effectuerait lui-même le relevé des compteurs d’eau froide. Cela suppose pour MEL un travail en commun entre les directions de l’eau et de l’habitat et du logement. En tout cas, toute solution devra se faire sans qu’il n’y ait de répercussions sur la facture de l’ensemble des usagers.
Ainsi, il y aura égalité de traitement de tous les usagers de l’eau, possibilité d’accéder au tarif solidaire et cela permettrait l’étude de toute évolution tarifaire ultérieure au profit de tous comme par exemple la gratuité des premiers m3 correspondant aux besoins vitaux, si un jour une telle évolution progressiste et humaniste était mise en œuvre sur notre métropole comme nous le défendons.



Des acteurs de la filière de l’eau interpellants :

Par ailleurs, nous nous permettons de vous joindre deux articles de presse* concernant Véolia Eau. Le premier, celui de Médiapart, extrêmement bien renseigné, ne pouvant certainement trouver sa source qu’au sein de cette multinationale, parle d’une affaire de conflits d’intérêt. Il s’agit de la mise au jour d’un système, au profit de certains cadres,  reposant sur une société luxembourgeoise assurant le recouvrement des impayés. Il repose en partie sur le paiement de la moitié de la facture par les services sociaux en cas de non-paiement. MEL a d’ailleurs fait voter dans chacune de ses communes une telle disposition. Une telle disposition n’est d’ailleurs pas nécessaire avec la loi Brotte qui empêche le recours aux coupures d’eau. Une lecture approfondie de cet article peut laisser craindre que pour certains l’aide sociale constitue une source de profits !
Le deuxième article, celui de l’AFP, nous montre que le premier article repose sur des bases solides, la maison mère envisageant de se séparer de sa branche eau.
Ces informations laissent à penser que, décidément, nous ne pouvons pas avoir confiance dans certains acteurs du milieu de l’eau et nous conforte dans l’idée qu’une Régie publique gérée avec les citoyens et les travailleurs de l’eau constitue une condition nécessaire pour une gestion en toute honnêteté, dans l’intérêt général.

Nous nous permettons de rappeler que nous sommes prêts à participer à tout travail de réflexion sur cette question et à participer aux diverses instances qui se feront jour. Nous acceptons donc votre invitation à participer au Conseil de l’Eau indiquée dans le courrier de réponse qui vient de nous parvenir.

Veuillez recevoir, Monsieur le Président, Monsieur le Vice-Président, l’expression de nos salutations citoyennes.


Pierre-Yves PIRA
Pour le Collectif Eau pour une Régie publique
 et les premiers m3 gratuits




Collectif Eau pour une Régie publique et les premiers m3 gratuits:

 AC! Lille métropole, AFPS 59/62, ATTAC Lille, Attac Roubaix-Tourcoing, Attac Villeneuve d'Ascq, le Bruand Réveillé, CGT LMCU, Collectif anti-Austérité de Roubaix, Collectif Vraiment à gauche! Lomme-Lambersart, Coordination Communiste, Eau secours, Ensemble !, Europe Ecologie / Les Verts, FSC, FSU, Gauche Alternative (FASE), Gauche Anticapitaliste, les Gens d'Hellemmes, les Indignes de Lille/Démocratie réelle maintenant, LDH, Mouvement National de Lutte pour l'Environnement 59/62, Nouveau Parti Anticapitaliste, Objecteurs de Croissance Lille, Parti Communiste Français, Parti de Gauche, PRCF 59, Snuipp-FSU, Solidaires 59/62, Terre des Hommes, Théâtre de l'Opprime, Union Locale des Syndicats CGT de Lille et Environs, Union locale des Syndicats CGT d'Armentières et environs, et des citoyens...

jeudi 19 janvier 2017

Le CETA et l’eau

Le CETA et l’eau






On peut lire dans l'article, 1.9  du CETA que « l'eau dans son état naturel (…) ne constitue pas une marchandise ou un produit. » De fait, on pourrait penser qu’elle échappe aux règles de ces accords commerciaux.  Or, il est bien possible que ceci n’aille pas de soi…
Ceci n’est pas sans rappeler la directive cadre européenne de 2000 qui affirme que l’eau n’est pas une marchandise « comme les autres ». En précisant « comme les autres », on sous-entend qu’elle estquand même une marchandise. Et cela peut ouvrir la porte à interprétation future.
Ici, il en est de même, en précisant « dans son état naturel », on ouvre la porte à de nombreuses interprétations. Si par exemple, on pompe de l’eau qui ne correspond pas aux critères de potabilité et qu’on la transforme ensuite pour la rendre potable, est-ce qu’elle est encore dans son état naturel ?
Il en est de même pour l’assainissement : l’eau n’est plus dans son état naturel. Cela relève-t-il du marché ?
Ou dès lors que l’on extraie l’eau de son environnement naturel, pour en faire usage dans certaines activités (irrigation agricole, industrie, production d’énergie... ), est-ce qu’elle est encore considérée comme étant dans « son état naturel » et de ce fait est-ce qu’elle est toujours exclue de cet accord?
Par l’ajout de cette nuance, l'eau pourrait donc être considérée comme un bien et un produit, et donc être soumise aux règles du CETA. 
Pour éviter ça, on pourrait faire simple dans la rédaction des directives et traités ou accords. On pourrait écrire :
-          L’eau, bien commun de l’humanité, elle n’est pas un bien marchand.
Ou à l’instar de l’Assemblée Générale de l’ONU en juillet 2010

-          L’accès à une eau de qualité et à des installations sanitaires est un droit humain fondamental.




La Commission européenne pourrait exclure définitivement l’approvisionnement de l’eau, l’assainissement et l’élimination des eaux usées des règlements sur les marchés internes et de tout accord commercial, tout simplement. On n’en parlerait plus et on saurait sur quel pied danser.

Mais ce n’est pas le cas. Et si à chaque fois des nuances sont apportées, ce n’est pas sans raison.

C’est parce des multinationales (transnationales) et leurs lobbys œuvrent en sous-main pour une marchandisation de l’eau et qu’une certaine idéologie règne au sein des commissions européennes.
Les entreprises, on les comprend, elles se ménagent des marchés potentiels. Leur seul objectif est la recherche de profits, pas de préserver le bien commun. Mais la Commission Européenne, comment comprendre tant de réticences à exclure l’eau de tout marché et un tel empressement à la faire entrer dans les règles du marché dès que l’occasion se présente ?
Parce que régulièrement, la Commission Européenne tente d'introduire les mécanismes du marché dans la politique de l'eau. L'idée que les droits de l'eau devraient devenir commercialisables, au nom de l'efficacité économique, n’est jamais perdu de vue.
On le voit avec la Grèce qui a dû privatiser ses services publics de l’eau. Le Responsable du bureau de la Grèce pour la Commission des Affaires Economiques et Financières, expliquait que ça réduisait ladette publique, permettrait d’augmenter « l’efficacité des entreprises, et, par extension, la compétitivité de l’économie dans son ensemble, tout en attirant les investissements directs internationaux ». Avec une telle vision, on ne doit pas être en capacité de comprendre ce qu’est une régie publique de l’eau !



Et dans notre accord CETA, nous sommes justement dans le cadre de la protection des investissements évoqués par ce haut-responsable.
Dans le CETA, l’UE se dit prête à un élargissement du champ d’application des services et des concessions de service. Ça ne concerne pas l’eau.
Mais ça ne concerne pas l’eau tant que qu’il existe une exclusion pour l’approvisionnement en eau dans la directive européenne sur les Concessions de 2013, exclusion gagnée notamment par la mobilisation des citoyens et collectivités allemandes, exclusion dont la pertinence doit être revue en avril 2019.
Donc, si la Commission revient sur l’exclusion de la directive Concession en avril 2019 qu’en sera-t-il pour l’eau dans le CETA ?
On peut vraiment craindre une entrée dans l’élargissement du champ d’application des services et concessions de service si la seule vision des commissions européennes n’est basée que sur cette vision « marchandisable » de l’eau.
Le CETA nous pose d’autres questions sur de nombreux points.
Les pesticides et le principe de précaution, par exemple.Actuellement, nous payons fort cher la dépollution de l’eau et notamment le retrait des pesticides. Les conséquences sur la santé peuvent être énormes. Par ailleurs, on sait qu’il coûte moins cher pour la collectivité de ne pas polluer que de devoir dépolluer. Si son acceptation débouche en plus sur une révision de la liste des pesticides autorisés, et sachant que le principe de précaution n’existe pas dans le CETA, qu’en sera-t-il dès lors que l’on voudra remettre en question l’usage et la liste des pesticides autorisés ?
Nous devons être assurés que le principe de précaution sera pris en compte par le CETA ! Dans la perspective d’une protection des ressources en eau, le renforcement du principe de précaution comme principe directeur pour l’avenir est d’une importance capitale.
Autre point : la possibilité pour une Régie publique de travailler avec d’autres régies sur plusieurs communes sur un mode coopératif et de mutualisation sera-t-elle encore possible dès lors que certains considéreront ces espaces comme un marché soumis à la concurrence et donc au mode compétitif ?
Les règles du CETA n’entraveront-elles pas le travail en commun à effectuer pour la dépollution des eaux de de surface, la sanctuarisation des champs «captants» ?
Ou encore, imaginez que nous voulions récupérer et réutiliser des substances présentes dans les eaux usées pour les valoriser en énergie dans le cadre d’une politique d’auto-suffisance. Est-ce que cela tombera dans le cadre du CETA ? Cette possibilité n’a pas été envisagée dans le CETA. Mais comme ça ne fait pas partie de la Liste Négative (ne sont exclus de l’accord que ce qui est listé aujourd’hui, tout le reste de cette liste non révisable est commerce) et que ça ne concerne pas l’eau dans son état naturel, devrions-nous nous en priver ou ouvrir cette activité au marché et aux investisseurs étrangers ?
D’autres points encore concernent directement l’eau, mais il est difficile d’en faire le tour dans un document de deux milliers de page rédigées en langage juridique. L’utilisation commerciale d’une source d’eau particulière ou les droits d’eau par exemple.
Ça concerne le droit de capter, de dévier, d'utiliser l'eau ou les permis de prélèvement d'eau. Actuellement, il est du ressort des États membres d'accorder un droit de prélèvement d’eau selon différents critères, non commerciaux.


Mais si les droits d'eau sont commercialisables et peuvent donc se transformer en «investissement » à protéger, la réglementation régissant ce commerce reviendrait au CETA. Cela pourrait avoir un impact très lourd sur l'agriculture et sur de nombreuses industries en Europe. Dans ces conditions, il est difficile de voir l'article 1.9 autrement que comme un outil supplémentaire en faveur d'une marchandisation accrue de l'eau.
Les raisons de s’interroger sur cet accord sont nombreuses. Par exemple sera-t-il possible de revenir en Régie public de l’eau, ici à Lille au terme d’une gestion impliquant une multinationale ? ou encore sera-t-il possible de mettre en place les premiers m3 gratuits correspondant aux besoins vitaux ?
Le CETA dans sa forme actuelle ou sous la forme qu’il pourrait prendre plus tard pourrait concernait l’eau contrairement à ce qu’on nous dit. Son exclusion n’étant pas assurée.
Il est grand temps que l’Union Européenne reconnaisse l’eau comme un comme bien commun et comme droit fondamental universel, un élément essentiel pour tous les êtres vivants. La privatisation et la marchandisation doivent être tenus à l'écart de ce bien vital, sa gestion doit être publique et collective, fondée sur la participation démocratique des citoyens et des travailleurs.
Sources :
European water movement  (http://europeanwater.org/fr/)  et  Food and water Europe,
http://europeanwater.org/fr/ressources/rapports-et-publications/673-le-ceta-et-l-eau-un-guide-destine-aux-militants